Les managers doivent respecter l’obligation de sécurité et adopter des pratiques managériales qui respectent la santé et la sécurité des collaborateurs dont ils ont la charge. À défaut, ils peuvent se voir notifier un licenciement pour faute grave (Cass. soc. 26 février 2025, n° 22-23703).
Sommaire
L’obligation de sécurité, c’est quoi ?
L’employeur comme les salariés de l’entreprise sont tenus à une obligation légale de sécurité.
Cette obligation de sécurité leur impose de prendre soin de la sécurité et de la santé des autres salariés de l’entreprise, notamment ceux qui sont placés sous son rang hiérarchique (c. trav. art. L. 4122-1).
Tout manquement d’un manager à son obligation en matière de sécurité et de santé à l’égard de ses subordonnés contribue à rendre impossible la poursuite du contrat de travail.
La faute grave, c’est quoi ?
Un salarié peut se voir reprocher un comportement, qualifié, selon sa gravité de faute :
• légère ;
• simple ;
• grave;
• lourde.
Chacune de ces fautes, selon leur gravité, a des incidences différentes sur le contrat de travail et les droits des salariés.
La définition de la faute grave est la suivante :
La faute grave se matérialise par une action, un fait ou un ensemble de faits commis par un salarié qui constituent une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail.
Cette violation est si grave qu’elle rend impossible le maintien du salarié fautif dans l’entreprise, même pendant le préavis (Cass. soc. 27 septembre 2007, n° 06-43867).
Le salarié doit être mis à l’écart et évincé immédiatement de l’entreprise.
La faute grave entraine, dans la plupart des cas, une mise à pied conservatoire, préalablement à la mise en place d’une procédure disciplinaire.
La faute grave entraine également un licenciement, qui prive le salarié de ses indemnités de licenciement et de son préavis.
Le licenciement pour faute grave en raison d’un management « colérique » et « agressif »
Un salarié qui occupait le poste de responsable d’agence d’une société était chargé d’encadrer l’équipe de cette agence.
Il a été licencié pour faute grave en raison de ses pratiques managériales inappropriées.
Son employeur lui reprochait à cet égard un manquement à son obligation légale de sécurité.
Les collaborateurs dénonçaient tous :
- Son caractère « agressif »,
- Son comportement « lunatique et malsain et des menaces injustifiées »,
- « Ses excès de colère »,
- Des « relations dégradées » avec ses collaborateurs,
- Son « attitude agressive et des propos allant à l’encontre du bon fonctionnement de l’agence ».
Le manager a saisi les prud’hommes pour contester son licenciement. Il a obtenu gain de cause auprès de la cour d’appel, qui a écarté tout manquement du manager à son obligation de sécurité.
La Cour de cassation saisie par l’employeur n’est pas de cet avis.
Elle a considéré au contraire que les pratiques managériales du responsable d’agence étaient de nature à constituer un manquement à son obligation en matière de sécurité et de santé à l’égard de ses subordonnés et à rendre impossible la poursuite du contrat de travail.
Pour la Cour de cassation, son licenciement pour faute grave était donc justifié.
Des pratiques managériales sanctionnées sur le fondement de l’obligation de sécurité
Cette décision s’inscrit dans la jurisprudence constante de la Cour de cassation, qui a déjà eu l’occasion de sanctionner les comportements managériaux allant à l’encontre de l’obligation de sécurité. Lire ici
Par exemple :
Un manager qui avait organisé une séance de « team building » un peu « trop musclée » (ex. : faire quelques pas pieds nus sur du verre brisé) et n’avait pas veillé à préserver l’intégrité physique et psychique de ses collaborateurs a ainsi été licencié pour faute grave (Cass. soc. 23 octobre 2019, n° 18-14260).
Ainsi, le licenciement pour faute grave a été retenu à l’encontre de managers qui avaient adopté un « mode de gestion inapproprié de nature à impressionner et nuire à la santé de [leurs] subordonnés » (Cass. soc. 14 février 2024, n° 22-14385 D ; Cass. soc. 8 février 2023 n° 21-11535).
Le mode de management nocif ou brutal peut constituer en lui-même une faute grave.
L’employeur doit donc surveiller ses managers et les former !
Sources :
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 26 février 2025, n° 22-23703
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 23 octobre 2019, n° 18-14260
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 14 février 2024, n° 22-14385
Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 8 février 2023 n° 21-11535
Par Maitre Virginie LANGLET le 19 mars 2025
Avocat au Barreau de Paris
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